Outre les questions de santé publique qui préoccupent mon groupe au premier plan, cela va sans dire, le déploiement de la 5G soulève d’autres interrogations.

Cette technologie n’est ni développée, ni maîtrisée par des entreprises belges, mais par des sociétés étrangères, principalement extra-européennes. L’architecture de nos réseaux 5G sera donc développée ailleurs, entraînant un risque de perte d’indépendance stratégique si le pays ne maîtrise pas suffisamment ses propres réseaux ou travaille avec despartenaires peu fiables.La gestion de l’immense masse de données échangées grâce à cette nouvelle technologie soulève aussi des questions. Maîtrisons-nous suffisamment les risques en matière de cybercriminalité et de protection des données? Les équipes spécialisées des services de police sont-elles prêtes à accueillir cette nouvelle technologie? Quelles évolutions de la législation relative à la vie privée la 5G implique-t-elle?

Sur le plan environnemental, une grande partie des terminaux -tablettes, smartphones-actuellement en usage ne sont pas adaptés à la 5G et devront donc être remplacés. Cela entraînera inévitablement un gaspillage, or ces appareils contiennent des métaux et terres rares, extraits de mines hors d’Europe dans des conditions environnementalement et socialement douteuses. Les applications elles-mêmes seront de grandes consommatrices de données, ce qui implique des serveurs utilisant une grande quantité d’énergie. Il s’agit d’ailleurs d’un des facteurs majeurs de consommation d’énergie au niveau mondial.

Comment mesurer et limiter ces impacts environnementaux? Faudra-t-il, par exemple, lancer des campagnes pour expliquer que l’écoute de musique en ligne sur son smartphone est beaucoup plus consommatrice d’énergie que celle de musique enregistrée?

L’ère du numérique soulève également des questions sociétales, comme le risque de voir grandir le fossé entre ceux qui maîtrisent les outils numériques et ceux qui, pour des raisons financières, techniques ou par absence d’envie, ne les utilisent pas. Un autre risque est de renforcer l’addiction à la vie numérique et le décrochage social des personnes les plus psychologiquement fragiles. Le député Jonathan de Patoul évoquait d’ailleurs, à ce sujet, en commission de l’environnement, le risque d’une société du burn-out. Toutes ces thématiques doivent être examinées dans le cadre du débat sur la 5G.

Certains prétendent que son déploiement est retardé par les normes trop restrictives imposées par la Région bruxelloise. C’est évidemment faux. Lorsdes auditions qui ont eu lieu à la Chambre des représentants, en décembre dernier, M.Van Bellinghen, le directeur de l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT), a été très clair: la 5G ne sera pas déployée en Belgique en 2020. Sans les licences que le gouvernement fédéral doit octroyer aux opérateurs, son déploiement n’est pas possible. Pour l’instant, le gouvernement fédéral n’a ni défini l’ampleur du spectre qui permettrait de fixer un prix pour ces licences, ni lancé la procédure pour leur octroi.

Plus récemment, l’IBPT a annoncé que des licences temporaires pourraient être accordées pour permettre le déploiement de la 5G d’ici l’été.Alors qu’en décembre dernier, on affirmait qu’il n’y aurait pas de 5G en 2020, on nous annonce en janvier qu’il y aura des licences temporaires! Ce n’est pas très sérieux. Par ailleurs, le gouvernement fédéral est encore venu jeter le trouble dans ce dossier en annonçant le lancement de procédures pour accueillir un quatrième opérateur, sans être allé jusqu’au bout de ces procédures.

Rappelons que Bruxelles Environnement a mis en place, au fil des années, une cellule spécialisée, chargée de contrôler les normes en vigueur. Le précédent gouvernement avait déjà envisagé de relever la norme actuelle pour permettre le déploiement de la 5G. Un projet d’ordonnance avait même passé le cap de la deuxième lecture. Mais l’impossibilité, pour Bruxelles Environnement, de contrôler le niveau d’émission en raison du changement technologique, aurait amené Mme la ministre Fremault à indiquer que les Bruxellois ne pouvaient servir de souris de laboratoire.

D’après les informations fournies en commission de l’environnement par le ministre Alain Maron, Bruxelles Environnement n’est, à ce stade, pas en mesure d’exercer ce contrôle, et les opérateurs ne peuvent fournir une méthodologie de contrôle. Le ministre a, dès lors, insisté sur l’importance, pour les pouvoirs publics, de maîtriser cette technologie. Mon groupe partage, évidemment, cette préoccupation essentielle.

Mais la Région avance dans ce dossier: Bruxelles Environnement a eu une série de contacts avec les opérateurs pour définir le cadre technique du déploiement de cette nouvelle technologie. Si la Région avance, ce n’est pas n’importe comment, ni tête baissée. C’est une bonne chose.

M.le ministre, le 23janvier dernier, vous avez participé à un événement sur la 5G organisé par Agoria. Plusieurs articles de presse ont relayé tant l’évènement que les déclarations que vous y avez faites. Le 24janvier, un entretien également consacré à ce sujet vous a, par ailleurs, été accordé par la chaîne d’information régionale francophone.

Il ressort de vos déclarations que vous vous montrez résolument favorable au déploiement de la 5G. Vous plaidez notamment pour l’organisation d’une phase de test sur un site universitaire ou économique. Vous estimez que Bruxelles doit absolument être une ville pilote dans ce domaine et vous vous inquiétez des tests similaires que la Flandre mène déjà. En outre, vous avez l’intention de saisir le gouvernement de ce dossier.

Vous avez également identifié la fiscalité communale relative aux antennes comme l’un des obstacles actuels au déploiement de la 5G.Par ailleurs, sur le plan de la santé publique, vous avez affirmé que la 5G n’aurait pas plus d’effet que la 3G et la 4G. Selon vous, certains poussent le principe de précaution à l’extrême.
Nous sommes surpris par ces déclarations, qui semblent en rupture avec la ligne que les élus de votre formation politique défendaient jusqu’à présent, recommandant la prudence pour aborder cette nouvelle technologie.

J’ai déjà fait référence aux interventions de M.de Patoul dans une réunion de la commission de l’environnement en octobre dernier. Plus récemment, le 11décembre dernier, lors des auditions organisées à la Chambre des représentants, la députée fédérale Sophie Rohonyi a jugé qu’il était nécessaire de mener des études plus poussées sur les effets à long terme du rayonnement radiofréquence (RF) sur la santé publique.

Dans un autre registre, concernant la fiscalité sur les antennes, c’est dans la commune de Schaerbeek, dont vous êtes actuellement le bourgmestre en titre, que les taux de taxation sont les plus élevés. Par ailleurs, le règlement-taxe de Schaerbeek, comme d’autres en Région bruxelloise, est motivé par « la circonstance que la multiplication des antennes émettant des ondes électromagnétiques présente un aspect envahissant et inesthétique pour l’environnement » et par le fait que « l’absence des éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les rayonnements non-ionisants que génèrent ces antennes n’est pas encore prouvée puisque les résultats des études épidémiologiques significatives sont encore attendus, qu’il est par conséquent recommandé de prendre des mesures dissuasives, par précaution ».

Pourriez-vous nous fournir plus d’informations sur la phase de test que vous appelez de vos vœux? De quelle manière prévoyez-vous de saisir le gouvernement de cette question? Quelle autorité publique serait-elle chargée de l’organisation de cette phase? Quels seraient les partenaires impliqués? Dans quel délai la phase de test serait-elle organisée?

Avez-vous vérifié auprès des opérateurs que le test peut s’organiser dans le cadre de la norme actuelle? Autrement dit, le test s’effectuerait-il dans le cadre légal existant ou serait-il nécessaire de l’adapter?

Concernant les impacts sur la santé publique, sur quelles études vous basez-vous pour affirmer que le déploiement de la 5G n’aurait pas plus d’impact que la 3G ou la 4G? Partagez-vous l’idée défendue à la Chambre des représentants que la nécessité de mener des études plus approfondies quant aux effets à long terme du rayonnement RF sur la santé publique s’impose?

Concernant la fiscalité communale, quelles sont vos attentes? Souhaitez-vous que les communes revoient leur taux de taxation à la baisse et qu’elles suppriment, dans la motivation des règlements, les éléments relatifs à l’aspect inesthétique des antennes, à la santé publique et au principe de précaution afin de favoriser le déploiement de la 5G? Plaidez-vous pour l’uniformisation des taxes au niveau régional?

Mon intervention complète et la réponse des Ministres ici:
http://www.parlement.brussels/weblex-quest-det/?moncode=144917&base=1&taal=fr