Le traité sur la charte de l’énergie (TCE) conçu pour sécuriser l’approvisionnement énergétique après l’effondrement du bloc soviétique est aujourd’hui un obstacle à la transition. Par le biais de son mécanisme de règlement des différends, il permet à des investisseurs privés (ou des entreprises « boîtes aux lettres ») de s’attaquer aux mesures de dégagement des énergies sales ou de limitation des tarifs énergétiques décidées par des gouvernements. Le traité, qui lie une cinquantaine de pays, est en voie de modernisation.
En juillet, le Conseil de l’Union européenne (dont la Belgique et son gouvernement fédéral d’affaires courantes) a donné mandat à la Commission européenne, notamment pour préserver le droit de réguler ou de prémunir les investissements verts ou en efficacité énergétique. Toutefois, cette modernisation protégerait toujours les investissements dans les énergies fossiles qui donneraient lieu à des émissions significativement plus importantes que ce que l’Union européenne (UE) serait autorisée à émettre si elle voulait respecter l’accord de Paris sur le climat.
Ainsi, en dépit de l’anonymat dont il a joui jusqu’à présent, ce traité n’est pas moins important que l’accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA), le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP) ou le Marché commun du Sud (Mercosur). Ce peu de publicité donne l’impression qu’il s’agit d’un sujet marginal alors que le TCE fait peser une épée de Damoclès sur la transition, une épée qui pourrait s’abattre sur l’UE ou les États membres et prendre tout le monde de court.
Il est aujourd’hui question de moderniser le traité. Plusieurs options sont envisagées, considérant que, dans un scénario de statu quo, les émissions « protégées » s’élèveraient à 150 gigatonnes (Gt) de CO2, soit cinq fois ce que l’UE peut se permettre de relâcher dans l’atmosphère.
Un autre scénario est conçu pour tenir compte du droit pour les gouvernements de réguler (right toregulate) et qui impliquerait qu’ils ne devraient plus dédommager les investisseurs privés qui s’estimeraient lésés. Les émissions de CO2″protégées » atteindraient quand même presque 100Gt de CO2d’ici 2050.
Évidemment, la neutralité en carbone nécessite de mettre un terme à la protection des investissements pour les combustibles fossiles. Le Conseil de l’Union européenne a adopté en juillet une recommandation de la Commission européenne définissant le mandat de négociation de celle-ci avec les autres membres.
Il n’est nullement question pour la Commission européenne ou les États membres de rouvrir les discussions sur la protection des investissements. Le mandat vise à faire reconnaître le droit des gouvernements à réguler et à protéger les investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. C’est loin d’être suffisant, car le paradigme fossile triomphant n’est pas remis en cause. De plus, les changements ne pourront intervenir qu’à l’unanimité des signataires du TCE. Enfin, qu’en sera-t-il de la protection post-traité de vingt ans?
Les négociations concernant la réforme de ce traité sont aujourd’hui entamées et ont connu une accélération avec la tenue à la mi-décembre, en Albanie, de la conférence ministérielle annuelle. Où en est le processus de négociation et quelles en sont les prochaines étapes?
La Région bruxelloise intervient-elle dans le processus de négociation et est-elle associée à la définition de la position belge? Si oui, quels sont les points d’attention que vous défendez?
A-t-on sollicité un avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la compatibilité du TCE avec les engagements pris par l’Union européenne et les États membres dans le cadre de l’accord de Paris, ainsi qu’avec les lois européennes,le droit de réguler n’étant pas inscrit dans le traité?
Mon intervention complète et la réponse du Ministre ici:
Question orale concernant le Traité sur la Charte de l’Energie.